Également appelées horloges de Morbier ou encore horloges de Morez, tout le monde connaît ces grandes horloges logées dans des caisses étroites et très hautes, reconnaissables à leur tic tac lent et régulier et leur sonnerie qui s’entend de tout les coins de la maison! J’ai personnellement toujours connu leur présence, et je leur attribue même des vertus hypnotiques et de développement du sens du rythme, mais cela est très personnel et scientifiquement improuvé.
L’origine de ces horloges remonte au milieu du XVII° siècle dans la région de Morbier, puis dans la région de Morez en Franche-Comté, d’où les négociants expédiaient ces Comtoises dans le monde entier. Notez que seul le mouvement voyageait ainsi, la caisse étant fabriquée dans la région de destination.
Mais je ne vais pas m’attarder sur l’histoire des horloges Comtoises dans cet article, le sujet est bien trop vaste, voyons plutôt le travail qui m’est fourni aujourd’hui:
Voici l’édifice dans son cabinet, démonté à domicile et transporté avec soin jusqu’à l’atelier.

On peut remarquer sur le cadran la mention « Brossard Lucarotte, à Niort », ce n’est donc pas le nom du fabricant du mouvement, mais bien celui du marchand domicilié à Niort.
Le mouvement après dépose du cadran et des aiguilles:
Il est évident que le mécanisme n’a pas été entretenu depuis longtemps, d’après sa propriétaire peut être vingt ans. Les huiles sont figées et la rouille commence à attaquer l’acier. Il faut donc que je commence par un gros travail à la brosse laiton, paille de fer et produits spéciaux abrasifs et nettoyants pour obtenir un résultat satisfaisant, même si on ne fait pas du neuf avec du vieux… il faut accepter que la rouille a creusé l’acier par endroits, mais cela n’est pas dramatique dans le cas de cette horloge.
Après avoir chevillé les pivots, c’est à dire nettoyé à l’aide d’un buis (un petit bout de bois de fusain taillé en pointe) tous les trous dans lesquels les engrenages pivotent, il est temps de remonter le mouvement:

Et voilà notre Comtoise vieille de deux siècles qui retrouve sa fraîcheur!
Un coup d’œil sur l’échappement
L’échappement est une pièce essentielle en horlogerie. Placé entre les rouages et l’organe régulateur (ici le balancier), il a deux fonctions:
- transmettre l’énergie délivrée par les poids au balancier
- réguler le déplacement des rouages en le découpant en intervalles de durée équivalente, c’est ce qui produit le « tic tac »
Il existe des centaines de modèles d’échappement, avec différents degrés de précision, dont seulement au mieux 10% ont connu une existence durable, le plus utilisé aujourd’hui étant l’échappement à ancre dont je parlerai sans doute dans un futur article.
Dans le cas de notre horloge, nous avons un échappement à verge et roue de rencontre, un des premiers échappements connus pour les montres et les horloges, dont l’existence remonte au XIV° siècle. Robuste, il fonctionne encore parfaitement bien aujourd’hui.
Ce système d’échappement a été produit sur les mouvements de Comtoise jusqu’en 1850, on peut donc dire avec certitude que notre horloge est antérieure à cette date.
De plus elle possède des inscriptions dont certaines parties sont encore lisibles, laissées par un horloger , Mr Magnen si j’ai bien déchiffré, qui font mention de réparations effectuées en 1874, 1876, et 1896. Voici deux images de ces écritures, une première telle quelle, et une seconde sur laquelle j’ai appliqué quelques filtres pour tenter d’y voir plus clair:je vous invite à m’aider à déchiffrer en me faisant vos propositions en bas de page dans les commentaires, pour ma part je vois à peu près ceci:
réparez en….b.. 1874
S frém…
Magnen
Mai 1876
juillet 1886
Qu’en pensez-vous?
Merci de votre visite, et n’hésitez pas à me contacter pour la révision, l’entretien ou la restauration de vos montres vintage, pendules, ou automates.
Yann Beysson
Horloger diplôme de l’école CE Guillaume
yann.beysson@gmail.com
En octobre 1874 ?
3 février ?
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Excellente hypothèse! Merci!
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Fabriquée entre 1815 et 1830. Vers 1815, le pont devient plus petit, toujours avec fil de soie mais est placé sur l’avant (le balancier est alors devant les poids).
Après 1830, le pont en tôle est supprimé, c’est l’utilisation de la suspension avec lame de ressort qui permet d’utiliser des balanciers plus lourds.
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Merci beaucoup, très précis et instructif!
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Par amitié, mais aussi par honnêteté…
(vindieu que ça fait mal 😉).
Le mérite en revient à nos copains suisse, qui, comme on le savait déjà toutes et tous, confirment qu’en matière de précision ils sont toujours les personnes à consulter : https://www.sulfate.ch/coupscoeur/horlogerie/comtoise/La%20comtoisebis.htm
Pour la petite histoire j’ai la même et me suis posé la même question en la voyant jetée à même le sol ou presque, si ce n’était cette bâche dégueulasses qu’un vendeur à la sauvette avait pris le soin de positionner, à même le trottoir d’une rue dans un quartier, certes pauvre mais populaire car très fréquenté, de notre belle ville de Marseille.
Est-ce qu’il manque des pièces? J’espère que je vais pas tomber sur une étiquette « made in china ». Si elle est authentique, elle date de quand? Combien de générations a t’elle servi? A t’elle toujours été au même endroit ou a t’elle voyagé? A t’elle connue plusieurs propriétaires? A t’elle connue des lieux ou appartenue à des personnages célèbres?
Mille questions en une seconde alors que le vendeur me regarde car comprenant mon intérêt. Mon excès d’enthousiasme, ou plutôt, la quasi autopsie que je viens d’opérer sur cette horloge m’a trahi. Je tente un bluff et fais mine d’être perplexe, il reste une chance. Après tout, ne dit-on pas que l’on ne connais le prix des choses qu’après les avoir perdus. Je vais lui rendre service, la prochaine fois il ne se fera pas avoir. Sans le balancier, le cadran et sans les aiguilles il se peut que…, bref je lui demande s’il savait ce que c’était. Il n’a pas su me répondre, mais m’affirmait en même temps affirmait que ça fonctionnait. J’en ai souri, il me demande alors 5€. Pour déconner j’ai négocié, mais sans abuser. Après un échange assez cocasse, 4€ sera son dernier prix. Vendu! Quelle chance de posséder cet objet mécanique qui a su traverser les siècles de part sa robustesse et sa simplicité, dans un monde où tout dépendant des énergies et où tout y est fragile et compliqué. Quelle tristesse en même temps, de finir ce long voyage ici. Deux siècles! Rendez vous compte!
Ainsi, d’abord ignorée, puis remplacée et mise à l’écart, ensuite égarée pour finalement être perdue. Perdue au milieu de tous ces morceaux de vie, ces cadres et photos de visages qui vous regardent. Ce marché aux puces, une singularité, un espace-temps, la première fois une leçon, ensuite un rappel. De la poussière tu finira dans la poussière. D’où vient ma compassion et ma bienveillance pour de tels objets, pour ces visages pourtant étrangers? Lacan dirait que çela me ramène à « ça » mais le « ça » en tant que « je », soit à moi. Blessure d’abandon? Est ce que je me sauve en la sauvant? Docteur?… Allo?… Y’a quelqu’un?… plus sérieusement, quel plaisir de trouver autant d’informations au même endroit, je vous recommande le site.
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